J’avais huit ans. En classe, un premier poème ‘public’ me tenait lieu de rédaction. Le sujet, "Si j’étais…", était censé faire réfléchir les élèves à la diversité des futurs envisageables pour les petites filles que nous étions. C’était bien précisé au tableau : maitresses de maison, infirmières, secrétaires, etc. J’écrivais, à la fois timide, inconsciente, et rebelle :
Si j’étais une fée
Je parcourrais le monde entier
En trois enjambées …
Quand je regarde derrière moi, je réalise à quel point ces deux axes ont défini ma vie : Pour FOND, le désir de voyage – et les neufs pays où j’ai vécu m’ont certes appris à me connaitre et à refuser toutes les œillères. Pour FORME, le poème, ce besoin de création, déjà, pour m’exprimer. Voyage et création : Depuis l’enfance, j’ai ainsi malaxé les mots et les images, la glaise, les fibres, et les couleurs.
Après des expériences lointaines de céramique et de tissage, puis de collages et de sculptures faites de brisures d’objet, j’en suis (re)venue au besoin de créer sur des surfaces planes et vierges : la page du poème, et l‘espace ou la toile du dessin et de la peinture. A moi de créer mes volumes et mes teintes, à base de rien : rien que mon imagination et le vide de la surface blanche.
La tentation des mélanges m’est restée. Elle s’applique maintenant aux media que j’utilise : acrylique, huile, gouache, encres, pastels…. Il m’arrive de tout utiliser sur une même toile. La représentation de la figure et du corps humain m’attire, mais il s’y mêle aussi les images fortes du rêve, ou de la mythologie. Figuration ou surréalisme, art naïf. . . Le jeu est ouvert. Je ne m’interdis rien : peut-être referai-je même des détours sur le chemin des collages, du tissage, ou des sculptures faites de rebus. Qui sait ? Dans cette autre forme de voyage qu’est la création, j’avance. Et c’est bien cela qui est important : la création est un voyage qui m’apprend, encore et toujours, à me connaitre, et à refuser toutes les œillères. Je n’ai pas fini de parcourir le monde entier en trois enjambées …